La polypharmacie ou polymédication, qui désigne la consommation chronique simultanée de plusieurs médicaments, est complexe et présente parfois des risques, comme celui de voir ces médicaments interagir entre eux, ce qui peut faire accroître les chances d’atténuation de leur effet ou d’effets secondaires indésirables. Chez les personnes âgées, la polypharmacie a un impact non négligeable sur les admissions à l’hôpital au cours desquelles la médication joue un rôle [1]. On s’en sert donc fréquemment comme indicateur de qualité des soins pharmaceutiques.

Cela ne signifie pas pour autant que la polypharmacie n’a pas lieu d’être. Un patient peut souffrir de plusieurs affections médicales nécessitant autant de traitements. On observe tellement de cas de multimorbidité qu’elle est pratiquement impossible à éviter pour une grande partie des adultes.

En cas de polypharmacie excessive – lorsqu’un patient consomme 10 médicaments ou plus sur une période prolongée –, le risque d’interactions et d’effets secondaires est encore plus élevée ; elle est donc à éviter de manière générale.

Vous trouverez ci-dessous plusieurs chiffres clés relatifs à la polypharmacie issus de l’Atlas AIM. Vous y trouverez davantage d’informations détaillées qui peuvent être ventilées selon l’âge, le sexe, le statut social et le domicile des patients ; vous pouvez également filtrer les patients qui ont eu recours aux soins à domicile ou qui ont séjourné en maison de repos.

Méthodologie
La polypharmacie connaît plusieurs définitions. En ce qui concerne les chiffres de l’Atlas AIM, nous utilisons celle du KCE : les personnes comptant une délivrance d’au moins 80 doses journalières standard (DDD) d’un minimum de cinq médicaments remboursables en une année [2]. Il s’agit des délivrances des officines publiques comme hospitalières. On entend par polypharmacie la délivrance d’au moins 10 médicaments remboursables.

La DDD est une unité de mesure internationale utilisée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle est la dose journalière moyenne supposée que consomme un adulte de 70 kg pour son indication principale. 80 DDD correspondent plus ou moins à une consommation journalière sur une période de trois mois. La polypharmacie sur la base de cette définition ne suppose donc pas nécessairement que ces médicaments sont consommés sur des périodes qui se chevauchent.

La distinction entre les médicaments se fait au niveau ATC 5, par substance chimique. La classification ATC (anatomique, thérapeutique et chimique) est un système de classification international, qui émane également de l’OMS. Les principes actifs des médicaments y sont répartis en groupes sur la base de l’organe ou du système sur lequel ils agissent et de leurs propriétés thérapeutiques, pharmacologiques et chimiques.

Les préparations magistrales, à savoir les médicaments préparés par le pharmacien même, ainsi que plusieurs groupes de médicaments dermatologiques ne sont pas pris en compte dans l’analyse. Cette liste se trouve dans la fiche métadonnées de la polypharmacie sur l’Atlas AIM.

Chiffres généraux
En 2021, 13,5 % des personnes domiciliées en Belgique ont consommé au moins cinq médicaments différents ; 3 % en totalisent au moins 10. On observe une tendance à la hausse au cours de la dernière décennie, qui ralentit toutefois depuis 2015.

Polypharmacie par tranche d’âge
La probabilité de voir une personne consommer de nombreux médicaments sur une période prolongée augmente avec l’âge. Elle est très peu élevée sous les 40 ans. Le pourcentage de polypharmacie culmine à près de 60 % de la population chez les 85-89 ans, après quoi il baisse à nouveau. Constat similaire en ce qui concerne la polypharmacie excessive, avec un pic à 15 % dans la tranche d’âge des 85-89 ans.

Les chiffres ventilés selon l’âge révèlent une augmentation moins nette que dans l’ensemble de la population, notamment à partir de 2015.

Polypharmacie en maison de repos et en soins à domicile
Dans la tranche d’âge des 65 ans et plus, le taux de polypharmacie est particulièrement élevé chez les patients qui reçoivent des soins de longue durée. En 2021, 65 % des résidents en maison de repos ont consommé au moins cinq médicaments sur une longue période ; ce taux s’élève même à 74 % en cas de soins à domicile. Ces pourcentages ont augmenté entre 2013 et 2015, mais n’évoluent plus guère depuis.

Les différences relatives sont encore plus élevées en cas de polypharmacie excessives. En 2021, 30 % des 65 ans et plus qui reçoivent des soins à domicile ont consommé plus de 10 médicaments sur une période prolongée, tandis que près d’un quart des résidents en maison de repos sont concernés.

Polypharmacie par groupe de revenus
Les cas de polypharmacie sont plus fréquents chez les bénéficiaires de l’intervention majorée, et ce toutes tranches d’âge confondues. L’écart est particulièrement net dans les tranches d’âge sous les 70 ans. Le statut de bénéficiaire de l’intervention majorée est, étant donné les critères, souvent utilisé comme une approximation d’un statut socio économique vulnérable. Ce statut présente toutefois des limites : il sous-estime vraisemblablement le nombre de personnes à faible revenu, tandis que chez les 65 ans et plus, il surestime potentiellement celui des personnes socio-économiquement vulnérables.

La différence est encore plus marquée en ce qui concerne la polypharmacie excessive et les écarts restent visibles dans les tranches d’âge plus avancé.

Selon le sexe
Le taux de polypharmacie est plus élevé chez les femmes (14,6 %) que chez les hommes (12,5 %). Les chiffres ventilés par tranche d’âge font disparaître en grande partie cette différence, même si elle est plus marquée chez les femmes âgées de moins de 60 ans. Il est à souligner qu’un pourcentage élevé de femmes consomment des contraceptifs sur une longue durée.

Les statistiques globales plus élevées chez les femmes tiennent donc peut-être partiellement au fait que la tranche d’âge des 65 ans et plus, qui affiche les taux de polypharmacie les plus élevés, compte davantage de femmes que d’hommes.

Différences régionales
Polypharmacie et polypharmacie excessive sont plus fréquentes en Région wallonne, et un peu moins en Région Bruxelles-Capitale.
Les chiffres bruxellois peuvent notamment s’expliquer par le fait que la population de cette région est relativement plus jeune. Chez les 80 ans et plus, là où les pourcentages sont les plus forts, les statistiques sont cependant moins élevées à Bruxelles que dans les autres régions.